Morgane Meylan a tout juste trente ans mais déjà un sacré bagage professionnel et beaucoup d’imagination et de poésie. Aujourd’hui, sa clientèle privée apprécie, entre autres, ses fameux petits personnages en argent qui font de l’aile Delta autour de la cathédrale de Lausanne ainsi que son île au trésor ou ses sabliers qui voient le temps d’écouler.
Si tout a commencé pour elle vers l’âge de quatre ans, en modelant des petits bonshommes avec de la cire de bougie, la période de l’adolescence a été un peu plus chaotique. «Franchement, à cette époque-là, je n’aurais pas misé trois centimes sur moi. Quand on ne coche pas toutes les cases qui mènent, par le chemin le plus direct, à l’arrivée, ce n’est pas la meilleure période de la vie!», explique-t-elle dans un éclat de rire. En fait, il fallait miser beaucoup plus sur cette brunette pleine de vie et d’invention car, aujourd’hui, sous sa marque Anna Gramme, elle réalise impeccablement des bijoux qui font rêver.
Gold’Or: Comment et pourquoi avoir choisi la bijouterie?
Morgane Meylan: À la base, j’aimais le bois. Ma mère pensait qu’être menuisière et avoir le dos cassé à trente ans, ce n’était pas une si bonne idée. Elle en a parlé avec son bijoutier lausannois, M. Espinoza, qui m’a accueillie tous les samedis. Rétroactivement, jouer avec le feu, transformer une pièce de A à Z m’a bien plu et surtout j’avais plus le droit à l’erreur avec le métal qu’avec le bois. Et même si je ne faisais que la partie sympa d’une pièce et laissais à M. Espinoza le travail difficile et rigoureux, j’ai adoré chercher et trouver des solutions. Mon côté débrouille et bricoleuse s’est rapidement pris au jeu.
Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin?
La satisfaction de la journée accomplie la veille, les sourires que m’adressent les clients. J’ouvre une lucarne dans leur univers. Ça me plaît!
Comment avez-vous trouvé votre atelier?
Nous étions trois jeunes bijoutiers qui travaillions chez et pour un bijoutier lausannois indépendant. Un jour, son propriétaire a résilié le bail. Nous nous sommes retrouvés à la rue à chercher un local. Mon collègue Blaise Raccaud, en montant les Escaliers du Marché, en plein centre de Lausanne, a vu de l’agitation à l’enseigne de la bicentenaire armurerie Forney. Après six générations, en 2018, elle fermait. Depuis, nous sommes installés tous les deux dans cette vaste boutique-atelier avec une belle vitrine. Je lui loue une place et travaille de façon indépendante.
Travaillez-vous à l’ancienne ou avec la technologie moderne?
J’aime forger! Le casting n’est pas ma technique préférée mais je l’utilise parfois. A l’atelier, nous avons un laser et je dois avouer que cela nous simplifie bien la vie. Je reste une adepte du travail à l’ancienne.
Etes-vous écolo?
Oui! Pour les métaux, c’est assez facile d’être membre de labels sérieux. Pour les diamants et les pierres de couleur, c’est un peu moins aisé. Nous préférons réparer nos outils plutôt que d’en acheter des neufs, c’est aussi une façon d’être «écolo».
Comment qualifieriez-vous votre style?
Je ne peux pas le qualifier. Je travaille toujours pour un(e) client(e), je dois donc me mettre dans sa tête et chercher ce qui lui plaît. Il faut évoluer avec la personne. Tout est changement.
Comment voyez-vous l’avenir de votre profession?
Je ne suis pas hyper optimiste pour les cinquante années à venir, en général. Je pense que notre secteur va «ramasser». Nous risquons de devenir des informaticiens de la bijouterie … mais il faudra toujours des petites mains, ça me rassure un peu. Je n’exclus pas que tout puisse nous exploser à la figure. D’un autre côté, il y aura encore des gens avec de l’argent pour qui le bijou restera important et, pourquoi pas, une œuvre d’art.
Pour terminer, quel(le) collègue pourrais-je rencontrer pour poursuivre cette série d’entretiens?
Ça n’est pas un bijoutier mais un «orfèvre» … un peu le dernier des Mohicans. Il s’agit de Lionel Bürri à Montreux.
Catherine De Vincenti