Quand votre banquier vous regarde dédaigneusement et ne veut pas vous prêter un «fifrelin», que faire si vous avez vraiment besoin d’argent? Pas forcément une somme monstrueuse mais quelques centaines ou milliers de francs pour finir le mois. Faites comme le prince François Ferdinand d’Orléans (1811-1900) et courez «chez ma tante»!
«Ma tante» … c’est ainsi, qu’aujourd’hui encore, certains, par discrétion, nomment le Mont-de-Piété ou le Prêt sur gages. Recevoir de l’argent en laissant en gage des objets, des bijoux, des œuvres d’art ou dieu-sait-quoi qui a un tant soit peu de valeur, n’est pas vieux comme le monde mais presque. C’est en Italie que le premier Mont-de-Piété est créé, à Pérouse, en 1462, par le moine récollet (ordre mendiant) Barnabé de Terni, qui prêche contre les usuriers et propose d’organiser une quête dont le capital serait destiné à former une banque charitable. Les banquiers lombards qui prêtaient parfois à 20 ou 30 pour cent d’intérêt l’an inscrivaient dans leur comptabilité «monte» qui signifiaient «montant» ou «crédit» ce qu’ils prêtaient par «pitié» (pietà) ou charité, contre gage. Voilà l’origine du nom.
La montre de François Ferdinand d’Orléans
Les monts-de-piété français sont plus tardifs et se développent tout au long du XVIIe siècle. Au XIXe siècle, les jeunes nobles ne travaillaient guère mais appréciaient beaucoup le jeu et s’y ruinaient. Ce fut le cas du futur prince de Joinville, François Ferdinand d’Orléans. Son père lui ayant coupé les vivres, il se rendit anonymement au mont-de-piété pour y gager une magnifique montre, cadeau de sa mère. Il en tira de quoi jouer le soir, à une table élégante. Son père remarqua l’absence du garde-temps et lui demanda ce qu’il en avait fait. C’est là que, acculé, il répondit: «Je l’ai oublié chez ma tante …». Cette anecdote fit beaucoup rire le tout Paris et, depuis, c’est «chez ma tante» que l’on va récupérer quelques sous lorsque c’est nécessaire.
La Caisse publique de prêts sur gages de Genève fête ses 150 ans
Les Caisses publiques de prêts sur gages ne sont que trois en Suisse: Genève est la seule en Suisse romande, une deuxième se trouve à Zurich et la dernière à Lugano, au Tessin. Quelques autres acteurs privés pratiquent avec une licence et sont contrôlés assez sérieusement par les cantons. Genève a, depuis 1872, de par la Loi, le monopole dans son canton afin d’éviter les usuriers. Ces caisses publiques sont à but social et aident une palette de clientèle très variée qui va du chômeur au collectionneur de tableaux gageant, durant ses vacances, tout ou partie de sa collection car entre les frais des coffres bancaires et d’assurance, cela leur revient moins cher de laisser les œuvres dans le «Fort Knox» de Genève.
Que peut-on laisser et pour combien?
Dans le courant janvier 2022, les quatre personnes qui travaillent à Genève, avaient déjà pour huit millions de prêts à l’extérieur. Votre situation professionnelle (chômage, sans activité), financière, personnelle, votre canton, votre permis (à l’exception des frontaliers avec un permis G) et même votre nationalité, si vous avez un permis d’établissement valable, n’ont aucune importance. Vous serez bien accueilli. Vous laisserez vos objets en dépôt contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Ne vous imaginez pas recueillir des sommes faramineuses car la Caisse donne plus ou moins 15,00 francs le gramme pour de l’or à 18 Carats. Une montre de renom avec facture et boîte d’origine peut vous rapporter jusqu’à 20 pour cent de sa valeur. Depuis deux ans, une gemmologue fait partie de l’équipe pour détecter, contrôler et chiffrer les pierres qui en valent la peine. «J’adore ce job», clame avec enthousiasme une employée, une gemmologue qui vient de grandes maisons de joaillerie. «Toutes les journées sont différentes. Il faut aimer les gens car on les découvre parfois dans des périodes difficiles mais ce rôle social est, pour moi, essentiel».
Les remboursements
Tous les six mois, vous êtes censé rembourser 20 pour cent de votre prêt auquel il faut ajouter le droit d’engagement unique de 6% ainsi que le taux d’intérêt qui varie selon la somme gagée de 0 à 7,5 pour cent. Si vous n’avez pas remboursé deux fois de suite vos 20 pour cent, les objets seront mis en vente aux enchères. La prochaine aura lieu le 11 juin 2022, «save the date» comme on dit en bon français. Si l’objet a fait mieux, voire beaucoup mieux, que la somme gagée, la Caisse vous donnera la différence moins dix pour cent de frais. Alors, n’oubliez surtout pas de laisser une adresse valable plutôt que de déménager à la cloche de bois.
Un habitué nous a parlé sans ambages: «Je n’ai pas beaucoup de ressources et pas de paiements réguliers, je suis un habitué. Je gage des bijoux de famille dont je ne veux pas me séparer. De plus, c’est toujours un moment agréable de parler un peu avec les membres de l’équipe».
Sachez que la Caisse ne prête pas sur les véhicules, les manteaux de fourrure, les meubles, les antiquités, les appareils électroniques (consoles de jeux, téléphones portables), les appareils ménagers ou les titres de participation (actions, obligations, parts sociales) mais que si vous avez de l’argenterie, de la maroquinerie de luxe, des tapis, une guitare, des chevaux ou des bovins, tous les espoirs vous sont permis.
Catherine De Vincenti
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