La justesse du mot qui trouve sa place exacte dans la phrase est un travail de précision. Un peu comme le geste rigoureux de l’horloger qui pose son rouage au cœur du mouvement. Ces deux artisanats ne sont toutefois pas voués à se rencontrer. Et pourtant, c’est l’amour des mots qui a amené Soghra-Madeleine Sadeghi à s’intéresser à la complication horlogère.
De mère Suissesse et de père Iranien, Soghra-Madeleine est née à Kansas City, au cœur des Etats-Unis. Durant ses six premières années, elle suivra ses parents aux USA et en Iran avant de découvrir la Suisse et la ville de Lausanne où elle effectuera toute sa scolarité. C’est peut-être à cette prime jeunesse vagabonde qu’elle doit sa passion du verbe dans plusieurs langues.
Entre l’Art et la manière de dire
Elle aurait probablement souhaité se dédier à l’Art, plus formellement à la peinture qu’elle pratique depuis son enfance. Finalement, elle optera pour une formation de traductrice et d’interprète de conférence à l’Université de Genève puis en Italie, en Espagne, aux USA et en Angleterre dont elle conserve un accent très «Oxbridge» (Oxford-Cambridge). Elle affectionne l’écrit dans toutes les langues et se bat, au sein de la francophonie, pour l’utilisation du mot correct plutôt que des anglicismes souvent mal à propos. Son domaine de compétence est vaste puisqu’elle a suivi des cours d’économie et de droit. L’Ecole hôtelière de Lausanne vient la chercher pour mettre sur pied un département de traduction qu’elle dirigera durant dix ans.
Van Cleef & Arpels
Soghra-Madeleine traduit, certes, mais elle est également correctrice, rédactrice, conseillère linguistique. C’est ainsi qu’un beau jour, Van Cleef & Arpels la contacte afin qu’elle remanie une série de textes qui seront imprimés pour une exposition à Singapour. Elle apprécie les bijoux, la poésie de la signature française et retravaille entièrement les documents. «Parfois, il serait plus simple de recommencer à zéro», explique-t-elle, «car tout finit par être bancal quand on touche à un mot ou à un bout de phrase tout en souhaitant conserver le reste!»
Le musée Patek Philippe de Genève
En été 2015, elle répond à une annonce qui l’intrigue. Un musée, sans autre information, recherche une guide parlant l’espagnol. Elle postule. Il s’agit du Musée patrimonial Patek Philippe. Après un premier contact et trois entretiens, elle est retenue: «Je me suis immédiatement sentie comme un poisson dans l’eau dans ce cadre beau et fascinant», sourit-elle. «Après avoir suivi la formation nécessaire, je continue à étudier et approfondir l’horlogerie car trois vies ne suffiraient pas à en faire le tour!» Elle se sent privilégiée de pouvoir visiter la fabrique, parler avec les horlogers, discuter art et technique avec les conseillers artistique et scientifique du musée. «J’avoue avoir été renversée par l’étendue et la beauté de cette collection fabuleuse», s’enthousiasme-t-elle. «C’est un endroit magnifique, malheureusement encore trop méconnu des Suisses et même des Genevois. Néanmoins, nous recevons des VIP du monde entier qui, grâce aux anecdotes dont les guides émaillent leur visite, ressortent émerveillés et heureux. Avec l’expérience, j’ai appris à vulgariser car il faut, malgré tout, compter deux bonnes heures pour faire le tour du musée.»
La devise de la marque
La devise de la marque dirigée par la famille Stern n’a pas changé depuis 1996. «Jamais vous ne posséderez complètement une Patek Philippe. Vous en serez juste le gardien pour les générations futures.» Aujourd’hui, précise Soghra-Madeleine Sadeghi, «je comprends mieux la valeur d’une montre Patek Philippe dans toute la beauté de sa simplicité ou de ses complications.»
«Cherchez la Femme»! Durant l’année 2019, nous poursuivons nos portraits de femmes dans le monde de la bijouterie et de l’horlogerie et découvrons des représentantes du beau sexe dans les domaines artistiques, techniques et annexes. Certaines sont à des postes prédominants, d’autres moins, mais toutes sont amoureuses de leur métier et le servent avec bonheur.
Catherine De Vincenti