La start-up d’Auvernier a créé un réseau international de centres SAV certifiés, ainsi qu’une plateforme digitale de gestion des opérations. Le concept séduit les marques horlogères, de la plus grande à la plus petite.
Comment être innovant dans le service après-vente (SAV) horloger, un domaine aussi vieux que l’horlogerie elle-même? C’est le pari relevé par la start-up SAVinsight: installée à Auvernier (NE), elle propose aux marques de montres une solution clé-en-main pour l’entretien et la réparation de leurs produits. Son idée: créér un réseau international de centres certifiés et franchisés, associé à une plateforme de gestion digitale unique, développée par ses soins.
Par principe physique, les mouvements mécaniques s’usent et des défaillances apparaissent tôt ou tard. Mais la montre fait partie de ces objets intimes qui s’entretiennent et se restaurent pendant des générations. A cette longévité s’ajoute aussi une explosion de la production: le nombre de pièces mécaniques vendues dans le monde est passé de 2,7 millions en 2002 à six millions en 2022. La question du SAV ne risque donc pas de s’éteindre d’elle-même. Or, ce département a toujours été le parent pauvre de l’horlogerie. «Il devrait être un outil de fidélisation, mais c’est rarement le cas», souligne Roland Hirschi, co-fondateur et CEO de SAVinsight. Compliqué à mettre en place car l’équipement et les compétences sont spécifiques, difficile à gérer parce que chaque intervention est différente, ce service traîne une mauvaise réputation auprès des consommateurs, qui se plaignent régulièrement des devis exorbitants ou des délais beaucoup trop longs.
Si les plus grandes maisons et les groupes se sont donné les moyens de développer un SAV à l’interne, les plus petites marques, elles, s’appuient le plus souvent sur les distributeurs ou des partenaires indépendants, dont les prestations sont plus ou moins qualitatives. C’est là qu’intervient SAVinsight. «Ça fait 20 ans que l’idée a germé dans ma tête», confie Roland Hirschi. Ancien de chez Richemont et Breitling, ce spécialiste du SAV international, de la formation et de l’expérience-client a eu le temps, en deux décennies, de peaufiner son concept et de le confronter à la réalité de l’industrie.
Un concept unique
Créée en 2021 avec Stéphane Wiget, ancien directeur informatique chez Breitling, SAVinsight repose sur trois piliers: un réseau mondial de centres de services certifiés; une plateforme digitale de gestion appelée SAM (Service Activity Management); enfin du consulting et de la formation, à destination tant des centres que des marques. Les centres indépendants de service après-vente existent depuis longtemps à travers le monde. Ce que SAVinsight a introduit, c’est un audit de ces centres pour les amener à un certain standard de qualité, puis à une certification. «Nous évaluons l’infrastructure, l’outillage, l’équipement et naturellement les compétences du personnel», explique Jean-Marc Challandes, horloger-rhabilleur et Technical manager. «Par exemple à Dubaï, je suis resté trois semaines pour auditer 51 personnes. Si nécessaire, nous proposons des cours de perfectionnement.»
Huit centres sont déjà franchisés au Japon, en Inde, en Espagne, en France, aux Etats-Unis, au Mexique, en Argentine et à Dubaï. Un neuvième s’est ouvert ces jours à Shanghai. Pour eux, appartenir au réseau SAVinsight est un gage de visibilité auprès des marques horlogères. Une trentaine de centres devraient à terme être intégrés.
Une innovation technologique
A cette innovation d’affaires se superpose une innovation technologique: SAM (Service Activity Management), une solution web modulable unique. «La gestion du SAV est très compliquée, parce que chaque ordre de travail est différent», rappelle Stéphane Wiget, CTO de SAVinsight. Cette plateforme permet ainsi la saisie, le partage et le suivi d’informations relatives aux opérations de service en temps réel. De l’arrivée de la montre à son renvoi, toutes les informations utiles comme le diagnostic, le devis ou le composant défectueux y sont mentionnées.
Complémentaire à l’ERP (Enterprise resource planning) local, SAM analyse l’état de l’encourt et peut de plus donner des recommandations au centre, grâce à l’utilisation d’un algorithme prédictif et de l’intelligence artificielle. Les marques, de leur côté, peuvent également demander une remontée d’informations, pour déceler de manière précoce un défaut de production, par exemple.
Première Convention du SAV
Le concept a déjà séduit une dizaine de clients, de la grande marque cherchant des capacités supplémentaires, au «privat label » ne disposant pas de SAV, avec un cœur de cible composé de petites et moyennes sociétés horlogères. Des partenaires que SAVinsight a invité il y a trois semaines à sa première Convention internationale du SAV, en compagnie de responsables de centres, de patrons et responsables SAV de marques, de fournisseurs d’équipements et de formateurs. Une cinquantaine de personnes que la start-up a réuni dans les Montagnes neuchâteloises, pour trois jours de conférences et de visites d’entreprises. « C’est la première fois qu’une telle convention est organisée sur ce thème», se réjouit Roland Hirschi. «Les retours ont été très positifs. Nous allons en faire un rendez-vous annuel.»
D’ici-là, SAVinsight aura poursuivi son développement, avec notamment une importante étape l’an prochain: l’ouverture d’un centre de service à La Chaux-de-Fonds. «Ce centre sera une société indépendante, créée en joint-venture avec certains de nos partenaires», explique le CEO. «En plus d’assurer le SAV pour les clients suisses, il sera également un showroom et un lieu de démonstrations.» Jusqu’à 8 personnes seront engagées. Un projet ambitieux, qui prévoit également le déménagement de SAVinsight sur le site.
Fabrice Eschmann