Les prix des pierres se sont envolés. C’est le Far West! Certes, cette augmentation fulgurante ne concerne pas toutes les pierres et il est important aussi de signaler qu’elle n’est pas toujours acceptée.
Nous sommes à GemGenève en mai et tout le monde est unanime: Cette année, le prix des gemmes a pris un envol inédit. Entre 20 et 25 pour cent sur les belles pièces, voir 30 pour cent pour certains matériaux difficiles à trouver. Mais qu’est-ce qui explique ce mouvement vers la hausse ? D’abord la pandémie du Covid qui laisse encore dans son sillon quelques séquelles et les pierres fraichement minées ne suffisent pas à combler le marché. L’activité minière peine encore à reprendre à un rythme similaire d’avant la pandémie dans certaines régions du monde comme à Madagascar par exemple. En outre, certaines pierres sont de plus en plus difficiles à trouver comme les saphirs bleus et roses. A cela, s’ajoute l’augmentation du prix de l’énergie impactant les mines.
La demande est de plus en plus exigeante. Les clients de la Haute Joaillerie veulent des «pierres de synthèses naturelles». C’est-à-dire parfaites, non traitées. Cette exigence s’étend aussi aux petites pierres. Les marques de Haute Horlogerie, récemment arrivées sur le marché des pierres de couleur, ont aussi leurs propres attentes: belles pierres, pures, homogènes en couleur, bien que les délais de livraison restent relativement long pour ces dernières.
Globalement, les gemmes d’investissement comme le rubis, saphir, émeraude, spinelle rouge et Paraíba, continuent d’attirer un public avide de diversifier ses placements. Cette spéculation a aussi des répercussions sur le marché. La spéculation hors sol, sans réel cadre logique, entraine des hausses importantes de prix qui ensuite se reflètent sur le marché des négociants.
Les gemmes rares sont plus chères
On a pu observer cette année, des rubis de deux carats, non traités, monter jusqu’à 30’000 voire 50’000 dollars US le carat ou encore des rubis de trois carats birmans non traités à 80’000 dollars par carat. Dans les saphirs, ce sont les pierres d’exception qui ont augmenté. Pour les émeraudes, les prix des pierres de Zambie sont restés stables mais les émeraudes colombiennes se raréfient. Pour quatre carats d’émeraude colombienne, le prix du carat peut monter entre 15’000 et 20’000 dollars pour des pièces rares. Les spinelles rouges sont toujours convoités et en moyenne, les prix ont progressé de dix pour cent environ. Les prix des spinelles bleus au cobalt se sont littéralement envolés et on a pu observer des variations de prix entre 30’000 et 100’000 dollars par carat pour 2.5 carats.
La demande est toujours très forte pour les tourmalines Paraíba. En plus des maisons de Haute Joaillerie, les maisons de Haute Horlogerie commencent à avoir un intérêt pour ce genre de produit. Les plus grandes pierres de dix carats et plus se vendent aujourd’hui entre 275’000 et 300’000 dollars par carat. Il se passe un phénomène assez inédit dans la tanzanite. La demande s’est inversée. Les couleurs plus légères sont davantage recherchées que les couleurs plus intenses. Le prix au carat oscille entre 420 et 520 dollars pour des pierres de dix carats.
Le plus gros reste stable
La production mondiale d’aigues-marines s’est beaucoup ralentie et il faut compter entre 550 dollars et 1200 dollars par carat pour de très belles pierres non traitées de cinq carats et plus avec des couleurs bien saturées. Idem pour les morganites, avec peu de brut disponible actuellement sur le marché, il n’y a pas beaucoup de matière pour les plus grandes pierres et on ne trouve quasiment que celles qui existaient déjà sur le marché. Les belles morganites se vendent entre 350 dollars/ et 600 dollars/ct pour des pierres de 5 carats et plus.
Pour conclure, malgré ce petit air de Far-West qui souffle sur le marché des pierres de couleur, l’époque est plutôt favorable et l’optimisme reste de mise. Si les prix des pièces rares, exceptionnelles, ont décollé, le plus gros du marché varie et augmente encore dans une fourchette raisonnable. Il faut voir ce qui va se passer dans les années à venir. De plus, l’offre se diversifie toujours et la hausse de certaines pierres est aussi compensée par un panel large, de qualité avec des pierres intéressantes mais encore méconnues comme les grenats violets par exemple, offrant de belles perspectives pour tous les fabricants de bijoux, artisans et autres acteurs de la gemmologie.
Antoinette Starkey, Gem C Sàrl, Genéve