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Peut-on gagner de l’argent avec des montres d’occasion?

Ventes aux enchères et plateformes digitales ont fait exploser le commerce des montres vintages. D’abord animé par des passionnés, ce marché attire de plus en plus d’opportunistes. Mais peut-on vraiment gagner de l’argent en revendant des montres d’occasion?

C’est devenu un jeu entre les maisons de vente aux enchères: à chaque fin de session, les communiqués pleuvent, annonçant les résultats globaux, mais surtout les records sous le marteau. En juin chez Phillips, une Patek Philippe réf. 2499 de 1992 a ainsi changé de mains pour 1,98 million de dollars; une A. Lange & Söhne de 2018, pour 600’000; une Audemars Piguet Royal Oak de 1986, pour 422’000… Des montants qui donnent le vertige, mais qui envoient également un message: il est possible de faire de l’argent – voire beaucoup d’argent – en revendant une montre d’occasion. Une perspective qui attire depuis dix ans une foule toujours plus nombreuse, faisant exploser le marché du vintage et des sites de vente comme Chrono24, Watchfinder ou WatchBox. Aujourd’hui, le marché du «second hand» est estimé à 18 milliards de dollars par an.

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Cette Nautilus de Patek Philippe, la réf. 5711 en acier, est la dernière à voir le jour. La marque a en effet officiellement annoncé la fin de sa production, cette pièce étant devenue «trop spéculative», selon le président Thierry Stern. Cette édition 2021 promet d’atteindre des sommet sur les sites de revente!

Apparues dans les années 1970, les ventes aux enchères horlogères sont à la base du succès des montres d’occasion. Au départ cependant, ces mises à l’encan proposaient essentiellement des pièces anciennes : montres de poches, pendulettes de table et autres cages à oiseaux chanteurs des XVIIIe et XIXe siècles changeaient de propriétaires à prix d’or. Les acquéreurs étaient alors de riches collectionneurs, des marchands internationaux ou des musées.

Le nouveau venu

Mais au début des années 1980, un nouveau venu dans le monde des enchères va bousculer l’entre-soi de ces salons feutrés. Fondée à Genève, la maison Antiquorum est la première à se lancer dans les montres-bracelets, créant du même coup un nouveau marché. Les puristes crient au scandale, mais un événement va bientôt mettre tout le monde d’accord. En 1989, à l’occasion du 150e anniversaires de la marque Patek Philippe, la maison de vente à l’idée d’organiser une session thématique: 301 pièces réalisées par la manufacture genevoise entre les années 1920 et 1970 s’arrachent en quelques heures à des prix jamais atteints. C’est le début de la Patek mania.

Depuis 30 ans, les enchères horlogères connaissent un succès grandissant. « Les ventes en ligne ont attiré une clientèle plus jeune et de toutes nationalités, faisant exploser au passage les résultats », souligne Thierry Huron, fondateur de The Mercury Project, société spécialisée dans le business intelligence. Au premier semestre 2021, les enchères horlogères mondiales ont ainsi augmenté de 239 pour cent par rapport à 2020, et de 49 pour cent par rapport à 2019, selon son rapport «Hammertrack» qui monitorise ce secteur.

Les déçus du système

Avec toujours plus de prix records aux enchères, on pourrait croire le monde des montres «second hand» hors d’atteinte pour le commun des mortels. Ce n’est pas le cas. Véhiculée par les Millennials – cette génération née avec internet –, l’idée qu’une montre d’occasion peut être cool a fait son chemin. Des jeunes adultes bientôt rejoints par les déçus du système: «Les listes d’attente imposées par les marques pour les modèles les plus courus – Overseas de Vacheron Constantin, Nautilus de Patek Philippe, Royal Oak d’Audemars Piguet, … – sont une catastrophe», explique Julien Vallon, fondateur de l’enseigne Juval à La Chaux-de-Fonds, spécialisée dans les montres de seconde main. «Les consommateurs en ont ras-le-bol! Ce phénomène grandissant a aussi contribué à donner son éclat au vintage.»

Surfant sur la vague, quantité de nouveaux commerçants ont émergé sur ce segment, quelques-uns avec pignon sur rue, la plupart en ligne. Parmi ces derniers, ceux que l’on nomme les «marketplaces», les sites de vente de particulier à particulier. Ouvert en 2003, Chrono24 n’a ainsi cessé de monter en puissance, affichant aujourd’hui plus de 500 000 montres en vitrine, neuf millions d’utilisateurs par mois, une croissance annuelle de 30 pour cent et un chiffre d’affaires de 1,5 milliard de dollars.

Devant un tel développement de l’offre « second hand » et face à une demande toujours plus pointue, certains petits malins y ont vu des opportunités. «Mes clients viennent de Suisse, mais aussi d’Angleterre, d’Allemagne et même d’Asie. Beaucoup achètent pour revendre ensuite», confirme Julien Vallon. Mais si les recherches ciblent évidemment souvent les marques stars, le créneau n’intéresse pas forcément le spécialiste: «Je me méfie des bulles spéculatives. En ce moment, les marques à bien marcher dans le vintage sont Angelus, Marvin ou Omega.»

Un marché rapide

La plus-value peut avoisiner les 20 pour cent, encore faut-il savoir acheter: «Il faut parfaitement connaître le marché, qui évolue très vite, poursuit Julien Vallon. Pour espérer réaliser un bénéfice, il faut également savoir à qui l’on va revendre, donc posséder un réseau fiable et solide, où les gens se font confiance. Le problème de ce marché, c’est qu’il y a énormément de fausses montres et de pièces volées en circulation.»

Un écueil qui est à l’origine du dernier segment en date dans le «second hand»: le «certified pre-owned», c’est-à-dire les montres d’occasion certifiées authentiques. Fondé aux Etats-Unis en 2017, WatchBox, plateforme de vente en ligne dont le siège européen est à Neuchâtel, achète ainsi les montres qu’elle revend, contrairement aux marketplaces.

Au prix moyen de 28’000 dollars, les montres proposées par WatchBox vont de 1985 à une période récente… voire très récente. Et là également, les investisseurs cherchent la bonne affaire. «J’ai des demandes tous les jours», reconnait Patrik Hoffmann, vice-président exécutif et directeur de WatchBox à Neuchâtel. Comme cette H. Moser & Cie Streamliner de 2020, au prix boutique de 19’600 francs, et ici affichée à 26’300 francs. «Ce modèle n’est pas rapidement disponible en neuf actuellement. Elle intéresse donc les gens qui ne veulent pas attendre. C’est la loi de l’offre et de la demande!»

De manière générale, les pièces neuves sur liste d’attente et les montres vintage de sport (chronographe, montre de plongée, …) peuvent augurer de belles plus-values. Les prix des dix références les plus vendues d’Audemars Piguet ont par exemple augmenté de 73 pour cent entre juillet 2015 et juillet 2020, selon Chrono24. «Mais il faut que le marché soit derrière», conclut Patrik Hoffmann.

Fabrice Eschmann

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