Vingt-sept mois après sa dernière édition, le salon des sous-traitants de l’horlogerie, de la microtechnique et des medtech a pu avoir lieu. Même s’il affichait 30 pour cent d’exposants en moins, l’ambiance fut bonne.
La marmite bouillait depuis un moment, il était temps de soulever le couvercle. Vingt-sept mois après sa dernière édition de 2019, l’EPHJ a enfin pu tenir salon. Ce sont ainsi quelque 530 sous-traitants de l’horlogerie, de la microtechnique et de la medtech qui ont pu planter leur stand, mi-septembre à Palexpo Genève. Baromètre du dynamisme du secteur, le Grand Prix des Exposants a suscité un engouement inhabituel cette année, «supérieur à la moyenne», se réjouit le président du jury Eric Rosset, professeur à la HES-SO. Une situation qui s’explique par le rendez-vous annulé de 2020 – les exposants attendent en effet cette occasion pour dévoiler leurs nouveautés –, mais aussi par la pandémie elle-même, qui a pu faire naître des opportunités. Dans les travées de la manifestation, c’est donc d’innovation de crise que l’on a beaucoup parlé, mais aussi – signe des temps – d’économie circulaire.
Les marques jouent le jeu
Les sourires étaient radieux lors de cette 19e édition de l’EPHJ. Après un arrêt brutal des activités au printemps 2020, le secteur a redémarré sur les chapeaux de roue. La Fédération horlogère (FH) confirmait en effet une nette reprise en juillet, avec des exportations en hausse de 7,6 pour cent par rapport à la référence de juillet 2019, et même de 29,1 pour cent par rapport à juillet 2020. Dans un domaine où la convivialité des affaires est de mise, se retrouver sur un tel événement était devenu urgent. «Certains exposants rencontrent 80 pour cent de leur clientèle sur le salon», confirme Alexandre Catton, directeur de l’EPHJ. Qui poursuit: «Les grandes marques, que nous avons bien sûr toutes invité, ont bien joué le jeu. Beaucoup de leurs représentants ont fait le déplacement.»
Si les carnets de commandes se remplissent à nouveau depuis quelques mois, l’innovation, elle, ne s’est jamais arrêtée. Pour nombre d’entre eux, les nouveaux développements ont cette année pour point commun les matériaux. Le Grand Prix des Exposants a ainsi récompensé la société de galvanoplastie STS, pour son alternative au rhodium. Apprécié dans l’horlogerie-bijouterie pour ses qualités de dureté et de résistance à la corrosion, il est utilisé comme revêtement pour certains composants. Mais cette matière rare (20 tonnes produites par an seulement) sert également à la fabrication des catalyseurs d’échappements. Or, l’explosion de la demande ces dernières années a fait passer son prix de 25’000 à presque 400’000 francs le kilo – avec un plus haut à près de 1 million. Devenu le métal le plus cher au monde (huit fois plus que l’or), il devenait intéressant de le remplacer.
Des matières recyclées
C’est donc aujourd’hui chose faite: «Nous utilisons du platine blanc, qui possède les mêmes caractéristiques esthétiques et physiques que le rhodium», explique Frédéric Saulcy, directeur de STS. Appartenant à la même famille des platinoïdes, rhodium et platine sont de plus tous les deux faciles d’utilisation dans des bains galvaniques. «L’accueil est très bon dans l’horlogerie, poursuit le directeur. Les marques d’entrée de gamme pour des raisons économiques, les marques de haut de gamme pour des raisons stratégiques.»
Également au nombre des prétendants au Grand Prix des Exposants, Panatere propose un acier recyclé zéro carbone. Fondé en 2012, l’entreprise est active dans le «private label» et produit des composants pour l’horlogerie et le médical. En 2017, elle constate cependant une baisse de qualité de l’acier traditionnel, dont la surface s’altère au polissage. L’idée lui vient alors de mettre en place un réseau de collecte et de tri de copeaux d’acier dans l’Arc jurassien, afin de les recycler elle-même. Les quantités étant relativement faibles, la société de Saignelégier se tourne alors vers le CNRS et son four solaire de Mont-Louis, dans les Pyrénées orientales. Testé en laboratoire et certifié, cet acier solaire a déjà intéressé deux marques horlogères: ID Genève et Voutilainen. Prochaine étape: le développement (en cours) et la construction d’un nouveau four solaire en automne 2022, qui prendra place quelque part dans le Jura suisse. Une initiative unique au monde. «Nous prévoyons de couler 200 tonnes d’ici à 2025», se réjouit la responsable de projet Liselotte Thuring. Qui conclut: «L’acier solaire a une emprunte carbone 165 moins importante que l’acier standard.»
Unique également, la méthode de recyclage de caoutchouc de Mestel. Spécialisée dans les élastomères et les polymères, la société de Broc jetait 1,5 tonne de déchets par an. «Lors de la fabrication d’un bracelet par injection par exemple, 30% de la matière est perdue», regrette le directeur Christian Tissières. Récupérée, celle-ci est aujourd’hui dévulcanisée et réduite en poudre, avant d’être valorisée dans un nouveau produit baptisé «Reebber». « On ne peut pas faire un caoutchouc 100 pour cent recyclé, il faut mélanger la poudre à du matériau neuf, précise le directeur. Mais personne n’avait jamais essayé ! L’économie circulaire, c’est juste du bon sens pour moi.»