C’était toujours «mieux avant»! C’était surtout mieux quand on était jeunes, un peu niais, que l’on osait tout et que rien ne nous faisait peur. Il en est de même pour les modes. Elles ont une adolescence déjantée et, au moment où elles deviennent presque adultes, elles meurent de leur belle mort. Les années 80 et leur mode ont été enterrées à l’aube des années 90 mais, miraculeusement, elles renaissent aujourd’hui de leurs cendres et nous surprennent encore …
Comment nommer les bijoux des années 80? Grands, imposants, extravagants, colorés, plastifiés. Ce ne sont pas des bijoux anciens, ils n’ont qu’une bonne quarantaine d’années. Véronique, qui débutait dans son premier job à Lausanne en 1988, éclate de rire: «Quarante ans, ça fait quand même un bail! Mais je m’en souviens très bien. J’avais la chance d’avoir une patronne qui n’était pas sclérosée et recherchait les nouveautés, elle participait à de nombreux salons en Europe. A l’époque, la Foire de Bâle était un vivier de jeunes créateurs. Quant à donner un nom à cette période, je ne vois pas. Il n’y a que des adjectifs qui me viennent.»
Les bijoux Vintage
Sortis d’une nébuleuse d’arrière-saison, les bijoux de cette époque sont désormais Vintage. Ni ancien, ni vieux, ni antiques mais … Vintage. Ce terme s’est maintenant imposé auprès des spécialistes pour définir cette période bien précise qui s’étend des années 60 aux années 90. Plus tôt, ce sont des bijoux Rétro des années 40 à 50. «Dans l’histoire de la joaillerie, on n’a pas encore vraiment nommé les décennies récentes », déclarait, il y a quelques années, Violaine d’Astorg, directrice du département joaillerie de Christie’s Paris. «Le mot Vintage s’est petit à petit imposé. Peut-être que l’appellation restera. J’ai personnellement du mal à apprivoiser le terme». Cinq ans plus tard, il semble que ce soit néanmoins le cas.
«80», les années qui ont tout chamboulé
Souvenez-vous ou questionnez vos parents et grands-parents! L’après-guerre a été assez rude en Europe sans parler, plus spécifiquement, de l’Angleterre. Les années 60 voient le bout du tunnel et nous voilà au cœur des Trente Glorieuses et de la technologie domestique. Les années 70 sont Peace and Love, hippies et chemises à fleurs mais présagent déjà des difficultés de décennies à venir. Le premier choc pétrolier, le retour de la guerre en Méditerranée, bouleversent l’économie. Mais, dans les «Eighties», ce sera l’ère des changements rapides et de la technologie. Le grand public découvre l’informatique, le Web, Microsoft et Google. Quant aux bijoux qui, dans les décennies précédentes ont eu un peu de difficulté à suivre le rythme, ils créent enfin un style «fin de siècle», un peu composite, avec des novateurs comme Bulgari, Marina B, Elsa Perretti ou Paloma Piccasso, sur des notes musicales électrisantes de Michael Jackson, Madona ou The Cure.
Quand le sport devient brillant
80, c’est la décennie du sport! Les athlètes deviennent des stars et le commun des mortels veut montrer ses muscles galbés et ses «plaques de chocolat». Ils sont les rois: Michael Jordan, Diego Maradona, Carl Lewis. Elles sont les reines: Martina Navratilova, Steffi Graf, Florence Griffith Joyner. Mais il y en a une qui, durant cette décade, les a toutes surpassées, c’est Chris Evert (Lloyd), la joueuse de tennis. Deux US Open, un Wimbledon, cinq Roland Garros, deux Open d’Australie et j’en passe et des meilleurs. Durant l’US Open de 1978, la tennis woman a perdu son bracelet en or jaune composé d’une ligne de diamants, taille brillant, après que son fermoir ait cassé. Tout le monde, y compris l’arbitre, s’est mis à scruter le terrain. Le bracelet retrouvé, le match a repris. A l’époque, on appelait ce genre de bijou une «rivière», mot valable pour un bracelet ou un collier. Pour, au moins, les dix années suivantes, c’est devenu un «tennis bracelet», un bijou populaire mais symbole d’un statut social en fonction du diamètre des diamants.
Quand les bijoux sont dictés par les «séries»
«Les bijoux des années 80?», s’étonne Claude, la gemmologue. «Je ne sais plus trop. Je ne regardais que les pierres! Je suis arrivée au GIA, à Santa Monica, en novembre 1981 avec plusieurs centaines d’autres apprentis gemmologues du monde entier. Ma prof de pierres de couleurs avait le menton un peu prognathe, comme beaucoup d’américaines, et était coiffée à la Farrah Fawcett. En y repensant, les actrices des séries comme Dynasty ou Dallas portaient toutes des bijoux à la fois monstrueux et raffinés». Elle ajoute: «J’ai travaillé à Beverly Hills et mon patron vendait les diamants jaunasses et brunasses au kilo!». Parlons-en de ces fameuses séries que certains voient et revoient toujours avec plaisir. Pas un cheveux qui ne dépasse de la coiffure méchée des femmes, des bijoux importants avec de magnifiques pierres … ou des imitations, peut-être? Eh bien, non! Dans la série «Dynasty», les bijoux portés par les actrices provenaient souvent de chez Cartier, Tiffany and Co ou encore de la boutique Edwar Beverly Hills.
Les minimalistes douées
Les folles soirées new-yorkaises étaient animées par le fameux Club 54 où toutes les célébrités se retrouvaient pour danser, boire et sniffer, jusqu’à sa fermeture en 1986. Elsa Peretti (cf. Gold’Or 03/21), florentine installée en Espagne, est arrivé à New York en 1960. Mannequin splendide, elle y fait la connaissance de toute la Jet Set. Un soir, le couturier américain Roy Alston Frowick la présente à Michael J. Kowalski, Président de Tiffany & Co, qui l’engage sur le champ pour créer de nouvelles collections plus orientées sur la jeunesse. Lignes organiques, sensuelles et minimalistes qui enthousiasment immédiatement les américaines. Qui s’imagine, aujourd’hui, que le pendentif « silhouette cœur » avec la pointe légèrement décentrée, en argent ou en or, que l’on a vu, revu, copié et recopié est une de ses créations. Peretti, c’est la ligne claire! Les collections Bones, Beans, Diamonds by the yard, et bien d’autres s’enchaînent ainsi que les succès, qui feront sa fortune. En 1980, c’est une autre femme inclassable qui débarque chez Tiffany, Paloma Picasso, fille de Pablo. Avec sa collection Grafitti: des «X» partout, des «LOVE» ou des «KISS», elle gribouille sur toutes les femmes à la mode … même en Europe.
Les grandes signatures françaises
Cartier, Van Cleef, Mauboussin (avant leur descente aux enfers), Boucheron, Fred qui commence à se hisser du col, changent tous leur fusil d’épaule. Les restes de la vieille aristocratie ont été économiquement décimés par les chocs pétroliers, c’est maintenant une clientèle sans culture, mais avec beaucoup d’argent, qui fréquente les salons huppés de la place Vendôme. Les Américains, les Arabes (Mauboussin fait 80 pour cent de son chiffre d’affaires avec le Sultan du Brunei) et l’Asie du Sud-Est déboulent à Paris et plébiscitent le style clinquant. La clientèle européenne veut des pièces plus jeunes et faciles à porter. C’est l’avènement, par exemple, de la bague Nadia (nacre et diamants) de Mauboussin, un succès retentissant, ou d’une jeune marque, au propre comme au figuré, Poiray, créée par un designer français François Hérail. Mais bientôt la guerre du Golfe mettra fin à la fête. Dès le début des Années 90, des signatures centenaires vont tomber dans l’escarcelle des grands groupes et le monde de la joaillerie ne sera plus jamais pareil.
Cette décennie, que l’on redécouvre aujourd’hui, a révolutionné, chahuté, fait éclater le vieux monde. Dans ce «monde d’après», ce sont les italiens qui ont tiré leur épingle du jeu. Les années 80, ce sont les années Bulgari, les cabochons colorés, les tours de cou rigides, le bicolore, les pièces romaines. Le dernier style du XXe siècle … et jusqu’à présent, il n’y en a pas eu d’autres!
Catherine De Vincenti