Lancée en 2016, la petite marque Lundis Bleus se prépare à une nouvelle étape de son développement: dès la rentrée d’août, elle proposera la nouvelle Réf. 1125 équipée d’un mouvement LTM.
Dans les Montagnes neuchâteloises, l’horlogerie s’est longtemps articulée autour de petits ateliers indépendants, fournisseurs de boîtiers, d’aiguilles ou encore d’appliques. Payés à la semaine, les artisans terminaient le travail le samedi soir et dépensaient une partie de leur argent le dimanche, au bistrot. Les lundis étaient par conséquent bien souvent chômés. On les a appelés les «lundis bleus». Le phénomène s’est dissipé avec la révolution industrielle et les conventions collectives de travail, mais dans le berceau de la tradition, a perduré jusque dans les années 1920 tout de même.
«Dans cette expression, il y a la notion de temps, la notion de couleur est prise dans son ensemble, elle est intimement liée à l’horlogerie. C’était le nom parfait!» Bastien Vuilliomenet est un touche-à-tout. Horloger-rhabilleur de formation, il a été vendeur en boutique, designer chez Corum et responsable produit chez Roventa Henex. Sur son temps libre, il a surtout développé une passion: l’émaillage. «J’adore le travail du métal», raconte-il. «L’émail apporte de la couleur en plus. Un jour, j’ai voulu rassembler ces savoirs dans une seule activité.»
Un long apprentissage
C’est ainsi qu’est née en 2016 la marque Lundis Bleus. À l’époque, les manufactures proposant des cadrans émaillés pratiquent des prix à la hauteur de leur rareté. «Mon idée était d’offrir des pièces «métiers d’art» à petits prix», explique l’horloger. «Un mouvement standard, pas de complication, mais un cadran très travaillé.»
La passion de Bastien Vuilliomenet pour l’émail remonte à 2008. Alors chez Corum, il est amené à développer quelques projets dans le domaine des métiers d’art. «J’ai eu envie de comprendre la technique», se remémore-t-il. Mais il va vite déchanter. Toutes ses tentatives de contacts avec des émailleurs restent lettres mortes. «Je me suis vite rendu compte que j’entrais sur une chasse gardée, que tout ce savoir était tenu secret. Beaucoup d’artisans avaient connu des années de disette et ils ne voulaient pas former une potentielle concurrence, c’est compréhensible.»
Mais le jeune horloger est obstiné. Il achète des livres, se documente sur Internet («il n’y avait pas de tuto comme aujourd’hui!»), achète un four et trouve un fournisseur d’émaux aux États-Unis. « J’étais un peu comme un détective, à mener l’enquête. Le premier colis, j’ai reçu cinq ou six kilos d’émaux japonais.» Commence alors un très long apprentissage, émaillé de doutes, parsemé de découragements. Comme un alchimiste, il mélange, cuit, recuit et recommence. Gentiment, il investit jusqu’à 20’000 francs de matériel, s’installe un petit atelier à la maison et entame ses deuxièmes journées le soir venu, parfois jusqu’à quatre heures du matin.
Une montée en gamme
Il lui faudra huit ans pour maîtriser les différentes techniques de l’émail grand feu: champlevé, cloisonné, flinqué… «Rétrospectivement, c’est une immense force», souligne-t-il. «Si quelqu’un m’avait formé, je n’aurais jamais essayé tout ce que j’ai essayé. J’ai acquis une très grande expérience!»
Puis en 2016, lorsque lui et son associé de l’époque Johan Storni lancent la marque, le projet ne manque pas de susciter la curiosité: équipée d’un mouvement japonais Miyota, la première montre heures-minutes-secondes Lundis Bleus Réf. 1100 se vend 1350 francs. Du jamais vu pour une pièce arborant un cadran en émail ou en pierre naturelle! Deux ans plus tard, Lundis Bleus passe au mouvement Swiss made, le Sellita SW 300-1. «Le Miyota était un frein pour une certaine clientèle», reconnaît aujourd’hui Bastien Vuilliomenet. Avec la Réf. 1120, la marque monte un peu en gamme, mais conserve son design maison: une fine lunette bombée, un boîtier tambour, des aiguilles évidées et une couronne en forme de champignon.
Un nouveau jalon
Parallèlement, la distribution se met aussi en place. D’abord exclusivement disponible en vente directe, la marque trouve un premier détaillant au Japon, puis un second aux États-Unis. En Suisse, hormis à son adresse de Neuchâtel, Lundis Bleus est aujourd’hui proposée chez Watchmakers United à Genève.
Dans l’appartement-atelier de Neuchâtel où il s’est installé en 2021 après avoir racheté les parts de son associé, Bastien Vuilliomenet fait toujours l’homme-orchestre. Une dizaine de postes de travail sont répartis entre salon, cuisine et salle de bain: assemblage, mini-CNC, polissage, labo de chimie, studio photos et bien sûr, émail. Dans cette ambiance studieuse où il réalise une quarantaine de pièces par année, l’horloger prépare le jalon suivant. Dès la rentrée d’août, il proposera la Réf. 1125, qui sera équipée du calibre LTM 5050 réalisé par Le Temps Manufactures, à Fleurier. «C’est une évolution de la Réf. 1120, mais c’est un pas important. La base du cadran sera en or gris, pour un rendu parfait de l’émail. Douze montres sont déjà vendues, le reste sera des pièces uniques.»
Fabrice Eschmann