En 2017, une grande figure genevoise des négociants en pierres précieuses et bijoux anciens nous quittait. Eric Horovitz était l’associé de Ronny Totah, l’époux de Christine, un homme passionné par les gemmes, l’Histoire et les bijoux anciens. Une fois l’émotion un peu apaisée, Christine Horovitz, éminente gemmologue, ne voulait pas que se perde le regard bienveillant que son mari portait sur la génération des futurs professionnels du monde de la joaillerie. Ainsi allait naître la Fondation Eric Horovitz.
Le 17 mars 2020, quelques semaines après le début du Covid 19, Christine Horovitz créait la Fondation Eric Horovitz, immédiatement reconnue d’utilité publique. En mémoire de son mari et de son couple fusionnel, Christine souhaitait découvrir et soutenir des talents juniors, organiser des événements et des concours pour les jeunes professionnels et, surtout, investir dans la formation.
Les «coups de cœur» de la Fondation
A cet effet, le lancement d’un concours pour les apprentis des écoles professionnelles romandes (CFP Arts Genève, Centre de Formation Professionnelle Art; ETVJ, Ecole Technique de la Vallée de Joux; Asmebi, Association Romande des Métiers de la Bijouterie à Genève; HES SO, Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale) a vu le jour lors d’une édition de GemGenève, soutien de la première heure. Ainsi, en automne 2021, un grand jeune homme à la toison toute bouclée, Hugo Massy, apprenti à l’ETVJ, remporte le premier prix pour sa création intitulée Gold & Black, une bague en argent à deux pierres qui se regardent, tel un reflet chaud et froid. Le jury de cinq spécialistes du monde de la bijouterie a immédiatement apprécié ce joyau à la fois sobre et innovant.
Qu’est-ce qu’on gagne?
C’est bien joli un concours où dessin et réalisation se mêlent, mais qu’y gagne-t-on? Mis à part le plaisir de créer une première «œuvre» choisie par un jury exigeant, que peut-on en retirer? Christine Horovitz ne voyait pas du tout ce prix comme une fin en soi. Elle explique: «Notre objectif est de soutenir l’éducation et les jeunes talents dans ce secteur, notamment en fournissant des conseils sur l’évolution professionnelle et la formation continue. Je joue mon rôle en créant une Fondation (…) car il est important de développer une communauté de spécialistes à même de façonner le monde de la joaillerie». C’est là que l’autre passion de Christine Horovitz, la formation des adultes, entre en lice. Il faut discuter avec les jeunes récipiendaires qui, désormais sont au nombre de trois, les soutenir dans l’expression de leurs désirs, les «accoucher» de leurs envies ou même les leur faire découvrir. Hugo, désireux d’obtenir une petite formation de sertisseur d’une quinzaine de jours, a finalement décidé de partir à Paris pour y découvrir, auprès de la maison Piat, un lapidaire appartenant au réseau de Christine Horovitz, la technique de la taille. Il a adoré et il a été engagé!
Des manques dans la formation
Les écoles ne forment que techniquement. Mais quid de la bonne façon de se vendre, de se faire embaucher, de la protection des designs, des notions juridiques et comptables, ainsi que bien d’autres choses qui sont totalement absentes d’un cursus de formation d’un apprenti ou d’un étudiant d’une haute école spécialisée? Pour pallier ces manques, des Masterclasses sont organisées en collaboration avec le CFP Arts afin de mieux préparer les étudiants au monde professionnel. Satisfait des retours très positifs, le Conseil de Fondation a pour objectif de maintenir ce projet une fois par an et, progressivement, d’en renforcer l’aspect professionnalisant et d’en ouvrir l’accès à d’autres formations techniques du milieu joaillier.
Collaboration avec la HEAD
Comme chacun le sait, les hautes écoles comme la HEAD (Haute Ecole d’art et de Design) à Genève ou l’ECAL (Ecole Cantonale d’Art Lausanne), à Lausanne, forment toutes deux aux niveaux bachelor et master. Ces études sont moins «pratiques» et plus «conceptuelles» et, parfois, encore plus éloignées de la réalité du «day to day business». La Fondation, en collaboration avec la Head et son département de «design contemporain» met en situation professionnelle les étudiant(e)s. Une cliente se présente avec une pièce ancienne ou qui ne lui plaît plus et un binôme doit proposer une réalisation au design contemporain et innovant mais qui doit correspondre au goût de la cliente. La pièce doit être portable et, bien sûr, réalisable. L’originalité n’est pas l’unique but de la transformation, le binôme étudiant doit conserver tout ou partie des pierres qui figurent sur le bijou à modifier et … un devis doit être proposé. Cela implique de nombreuses questions pour mieux cerner la cliente, ses goûts, ses désirs et parfois de nombreuses explications pour démontrer les possibilités ou les prix des différentes propositions. Le «jury» est composé d’un membre du corps professoral de la HEAD et d’un membre de la Fondation.
Durant la prochaine session de GemGenève, au mois de mai, toutes les écoles mentionnées plus haut, à l’exception de l’ECAL, ainsi que de nombreux spécialistes des professions de la bijouterie et Christine Horovitz seront présents sur le salon et répondront à toutes vos demandes.
Catherine De Vincenti