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Fabrice Schaefer, un mécanicien Seigneur des Anneaux

Si tout a commencé pour lui par la mécanique, cet artiste de la bijouterie-joaillerie tient plus de l’alchimiste et du forgeron que du créateur fantasque. Pourtant, il a suivi un cursus tout ce qu’il y a de plus classique à l’Ecole des Arts Appliqués de Genève (l’ancêtre de la HEAD – Haute Ecole d’Art et de Design), section «création de bijoux et d’objets» dans la classe de la talentueuse Esther Brinkmann. En 1998 déjà, il ouvre à Genève, une première galerie, TACTILe, où il invite des collègues qui, comme lui, voient le bijou différemment et plus contemporain. Ce lieu, sur la Place du Grand Mezel, dans la vieille ville de Genève, est devenu aujourd’hui son showroom et son atelier en sous-sol, «ma grotte» aime-t-il à préciser. Il a délégué son côté galeriste à son épouse, Annick Zufferey, et sa galerie de Carouge. Depuis 2020, il partage son savoir-faire et ses idées avec ses étudiants de la HEAD où il est responsable de «l’orientation design bijou». Néanmoins, ces derniers ne le verront pas durant ces prochains mois car il a obtenu un congé sabbatique pour se perfectionner dans le domaine de la *dinanderie.

(* Réalisation d’objets utilitaires (ustensiles) ou décoratifs par martelage à partir d’une feuille de cuivre, de laiton, d’étain ou de fer-blanc. Le métier de dinandier est la forme noble, voire artistique, du métier de chaudronnier.)

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Issu du travail de dinanderie de Schaefer, un magnifique contenant en titane brut et coloré en bleu à la flamme. Suivant la chaleur de la flamme, les couleurs vont du jaune, pourpre, violet, bleu foncé, bleu clair au vert tilleul. Diamètre 220 millimètres, hauteur 120 millimètres. Photos: Fabrice Schaefer

Gold’Or: Comment et pourquoi avoir choisi la bijouterie?

Fabrice Schaefer: Au début, c’est la mécanique qui m’intéressait mais finalement j’ai voulu m’épanouir dans quelque chose de plus créatif et j’ai suivi la formation des Arts Décos de Genève. Les ateliers menés par Esther Brinkmann ont été une vraie révélation. Elle était une enseignante formidable. Finalement, mon côté mécanicien m’a été très utile car je fabrique souvent mes propres outils autant pour la bijouterie, le travail des métaux, surtout du titane, que pour ma marotte: la dinanderie.

Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin?

La création à l’atelier. J’ai donc bien fait de changer d’orientation …

Comment avez-vous trouvé votre Galerie-atelier?

Je cherchais un lieu pour travailler et mener mes recherches un peu solitaires. Il y a déjà plus de vingt ans, j’avais l’intention de tester de nouveaux matériaux, comme le titane. Ce métal est très dur, il faut le former, le forger et on peut lui donner des couleurs à la flamme. J’avais besoin d’espace et j’ai trouvé ce local en pleine vieille-ville. Ça n’est pas très passant mais c’est calme et, à l’époque, les loyers du quartier étaient supportables. A l’origine, c’était une galerie mais j’ai toujours eu mon atelier en sous-sol. J’y ai fait de nombreuses expositions. Aujourd’hui, le rez-de-chaussée est devenu mon showroom. Les gens ne s’égarent pas ici, ils viennent me chercher.

Travaillez-vous à l’ancienne ou avec la technologie moderne?

Je travaille totalement à l’ancienne. A part un peu de fonte à cire perdue, je fais tout moi-même. Je n’ai pas de laser pour effectuer les soudures. Les corps de bagues en titane brut ne sont pas soudés et sont ramenés bord à bord. La soudure traditionnelle serait trop complexe. J’ai dû trouver des solutions pour «sertir» dans le titane puisque plusieurs de mes créations sont décorées de petits diamants.

Etes-vous écolo?

Absolument, je me déplace à vélo! Quant au travail à l’atelier, tous les bijoutiers qui se respectent sont écolos. On fait toujours pour le mieux.

Comment qualifieriez-vous votre style?

C’est indéniablement du bijou contemporain néanmoins suffisamment classique. J’aime transformer les matériaux, dialoguer avec les contrastes brut/précieux, visiblement lourd mais réellement léger (titane), anthracite et couleur (titane). Ce sont toujours des créations uniques réalisées à la main. Je fais presque essentiellement des bagues car, pour moi, n’est un bijou que ce qui touche la peau. C’est un terrain de jeu relativement restreint. C’est peut-être pour ça que je m’intéresse à la dinanderie et à la réalisation de contenants à la fois bruts et texturés et partiellement colorés. C’est un tout autre type d’ouvrage, d’effort.

Comment voyez-vous l’avenir de votre profession?

Je ne suis ni un bijoutier ni un prof traditionnel et représentatif. Néanmoins, je crois qu’il y aura toujours des clients pour une création unique, éventuellement locale, qui ne soit pas seulement du marketing et de la signature. Les étudiants de la HEAD trouvent à se placer dans tous les domaines de la bijouterie et éventuellement de l’horlogerie. Il n’y a pas que la création pure. Il faut trouver son chemin et parfois l’imaginer …

Pour terminer, quel(le) collègue pourrais-je rencontrer pour poursuivre cette série d’entretiens?

Restons à Genève et à la HEAD, rencontrez David Roux-Fouillet, le nouveau responsable du département Design Bijou et Accessoires.

Catherine de Vincenti

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