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Le façonnement des manufacture de demain.

Les cobots – robots collaboratifs – sont les derniers jouets à la mode dans l’industrie. Mais la collecte de données qu’implique la quatrième révolution industrielle rebute passablement le secteur horloger. C’est ce qui ressort du 18e salon EPHJ, qui vient de fermer ses portes.

L’industrie est en profonde mutation. La révolution numérique qui s’opère dans tous les secteurs promet des usines intelligentes, interconnectées et agiles, capables de s’adapter à des productions de plus en plus personnalisées. Un système où les frontières entre monde physique et digital s’amenuisent toujours plus, grâce à l’émergence de nouveaux outils technologiques: big data, machine learning, cobot ou encore analyse prédictive. Concentré des tendances actuelles, le dernier salon de la sous-traitance EPHJ, qui a fermé ses portes le 21 juin dernier à Palexpo Genève, a révélé quelques belles innovations dans le domaine. Mais aussi mis en lumière les réticences en œuvre dans l’horlogerie. Car si le secteur paraît tout désigné lorsqu’on parle de souplesses, l’échange d’informations qu’exige la quatrième révolution industrielle se voit encore souvent opposer une fin de non-recevoir.

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La nouvelle C710 de Crevoisier est une cellule de polissage équipée d’un robot collaboratif. Celui-ci ne nécessite aucune programmation.

Aucune programmation

Sur le stand Crevoisier, au beau milieu du quartier des fabricants de machines, les démonstrations se sont enchaînées sans interruption pendant les quatre jours qu’ont duré le salon. L’entreprise des Genevez y lançait en première mondiale sa toute nouvelle cellule de polissage 4.0. Un produit qui a nécessité deux ans de développement en collaboration avec un grand groupe horloger et près de deux millions de francs d’investissement. S’il éveille tant d’intérêts, c’est qu’il intègre le dernier accessoire à la mode dans l’industrie: le robot collaboratif. Moins dangereux que les automates traditionnels qui nécessitent un confinement, celui qu’on appelle aussi cobot travaille à des tâches simples en évoluant à vitesse réduite, aux côtés des humains.

Mais le cobot de Crevoisier va encore plus loin: souple, convivial, il ne demande aucune programmation. Pour lui inculquer sa tâche, il suffit de saisir son avant-bras et de lui «montrer» le geste à accomplir. La machine enregistre alors automatiquement le mouvement et le reproduit, sans plus de paramétrage. «Il y a cinq ans, nous avions gagné le prix de l’innovation de l’EPHJ avec notre concept Policapture», explique le CEO Philippe Crevoisier. Une station d’acquisition des mouvements bardée de capteurs permettait alors de générer un programme destiné au robot. «Cette nouvelle cellule de polissage est une simplification de cette solution.» Sans compétences informatiques particulières, l’artisan-polisseur peut dès lors transmettre son touché et son savoir-faire au cobot, une gestuelle très difficile à programmer. «Il faut avoir l’esprit ouvert, poursuit Gilles Beuret, technicien en automation chez Crevoisier. Mais la prise en main est très rapide: une demi-journée suffit à sortir ses premières pièces.»

Robot mobile

Chez Stäubli, sur le stand d’à côté, on travaille également sur la robotique collaborative. Mais plutôt qu’au «machine learning», on a préféré s’attaquer à la modularisation de la chaîne de production. La société suisse aux 5500 collaborateurs dans le monde, est ainsi venu présenter HelMo. Ce nouveau robot n’apprend pas tout seul, mais se déplace de manière autonome. «Grâce à trois lasers intégrés, il est capable de se repérer sans aide, précise Yann Stragiotti, responsable des ventes Robotics: il scanne son environnement puis établit une carte digitale – jusqu’à un kilomètre en carré. Il suffit ensuite de lui dire quoi faire et où.» HelMo peut donc évoluer librement dans l’usine, se déplacer de poste en poste pour y effectuer les tâches les plus fastidieuses. «Cette solution est parfaite pour flexibiliser l’outil de production et l’adapter à la fabrication d’articles personnalisés», souligne encore le responsable.

Que l’on considère la robotique collaborative, l’intelligence embarquée ou l’agilité de la chaîne de production, l’industrie 4.0 ne peut fonctionner sans l’acquisition et le traitement de données. Or, ce qui est facile dans les domaines grands publics, où Google, Apple et consorts ne se gênent pas pour récolter des quantités phénoménales d’informations sur leurs clients, l’est beaucoup moins dans l’industrie. Voire impossible dans l’horlogerie. Basée à Tramelan et spécialisée dans la fabrication de CNC et de machines de terminaison, la société Precitrame en sait quelque chose: «Nous avons développé et mis en place des solutions de maintenance prédictive et d’autocorrection des machines, confie le Managing Director Olivier Voumard. Ce sont des sortes de tableaux de bords qui nous permettent d’accompagner nos clients d’une part, d’améliorer nos produits d’autre part. Mais dans l’horlogerie, nous nous retrouvons face à des murs. Certains de nos clients nous interdisent même d’entrée avec une clé USB dans leur usine. Alors des données dans un cloud… C’est très frustrant.»

Employant quelque 220 personnes, dont près du quart dans la R&D et une dizaine dans la production de logiciels, Precitrame plaide pour la standardisation des outils informatiques, qui permettrait d’anonymiser les données récoltées. «Il est vrai qu’en connectant les machines, on accède très vite à beaucoup d’informations, concède le directeur. Par exemple sur la durée d’utilisation des stations, ou sur le nombre de composants produits. C’est la raison pour laquelle nos clients nous demandent actuellement d’installer ces tableaux de bord chez eux, à l’interne. Mais l’industrie horlogère doit absolument trouver une parade pour faire avancer les choses.» Une parade qui passera sans aucun doute par une évolution des mentalités.

Fabrice Eschmann

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