Carole Guinard est responsable de la collection de bijoux contemporains au mudac (Musée de Design et d’Arts Appliqués Contemporains) à Lausanne et scénographe.
Carole Guinard est titulaire d’un CFC de bijoutière-joaillière et pourtant, avoue-t-elle, «Je ne porte pratiquement jamais de bijoux. On m’en fait d’ailleurs souvent la remarque». Elle a été honorée par plusieurs prix internationaux importants et fait partie de jurys prestigieux. Ses bijoux sont exposés dans de nombreux musées de Paris aux Etats-Unis en passant par Rotterdam, Lausanne ou Genève. Mais dans la deuxième partie de sa carrière, c’est la responsable de collection du «mudac» qui nous intrigue.
«Lorsque je porte un bijou, c’est qu’il s’agit du dernier bijou que j’ai créé, pour le tester, sentir s’il est confortable, s’il est bruyant, s’il trempe dans mon café, s’il s’accroche aux mailles de mon pullover ou si je l’oublie», précise, comme pour s’excuser ne pas être «parée», cette femme de caractère à la magnifique chevelure grise. Sachant cela, aux Arts Décoratifs de Paris ou au Museum Boijmans van Beuningen à Rotterdam, vous ne verrez plus ses réalisations avec le même œil.
NØ pour Noblesse Oblique
Sa façon de concevoir le bijou a certainement changé du tout-au-tout après un séjour à Boston à l’Ecole du Museum of Fine Arts (SMFA) qui propose des diplômes de premier cycle et de cycles supérieurs consacrés aux arts visuels. «Cette année, un cadre universitaire m’a permis d’approfondir mes recherches sur la parure et de travailler différemment. Pour la première fois, j’ai découvert qu’un jury pouvait être composé de deux professeurs et … de deux élèves.», raconte celle qui a été membre de très nombreux jurys. «Néanmoins, lorsque je suis rentrée en Suisse, je n’avais aucune notion commerciale et de rentabilité». Pourtant, en 1986, elle ouvre, à la rue Enning, à Lausanne, un espace entre l’atelier et la galerie, à l’enseigne NØ. Certainement NØ à la joaillerie, très loin de sa conception du bijou! «Les bijoux de Carole Guinard faisaient partie d’un autre monde pour la vendeuse en bijouterie que j’étais alors.», raconte Françoise, de Neuchâtel. «Pas de métal précieux, aucune pierre recherchée ou prétentieuse, mais des colliers en papier ou en carton au pliage complexe, à la japonaise. Des broches colorées réalisées dans des matières qui avaient plus à voir avec des fils électriques qu’avec la bijouterie. Et pourtant son travail a scotché toute une génération, moi y compris».
De l’atelier au musée d’art contemporain
Lors de la participation à une exposition internationale londonienne intitulée « Jewelry redefined », Carole avait présenté deux colliers en rotin et plumes. Elle était prête à passer le pas de l’atelier au musée. Quelques années avant de quitter sa cave-abri-anti-atomique du Musée des Arts Décoratifs de Lausanne, situé à l’avenue de Villamont, sa directrice, Rosmarie Lippuner, demandait parfois à Carole Guinard de l’assister pour le montage d’expositions un peu compliquées. Elle appréciait son travail, les vitrines de sa galerie, les performances qu’elle y organisait. Un jour, Rosmarie Lippuner se retrouva sans collaboratrice et ce fut l’occasion pour Carole Guinard de franchir le Rubicond. Sa première présentation d’expo pour le musée réunit des bijoutiers, la seconde fut pour la collection de Jacques-Edouard Berger. En 2000 est créé le mudac, au pied de la Cathédrale de Lausanne, et Carole Guinard en devient responsable de la collection des bijoux contemporains, des collections de la Confédération et de Jacques-Edouard Berger qui sont en dépôt à Lausanne.
Des collections patrimoniales
Cette petite collection débutée par Rosmarie Lippuner aux Arts Décoratifs est devenue patrimoniale au mudac. Carole Guinard veille sur elle, l’entretient, l’enrichit, la fait photographier, communique autour d’elle, organise des expositions à thème, édite les catalogues. Désormais, les deux collections regroupent 350 pièces. La responsable achète également pour la Confédération, choisit les créateurs suisses les plus marquants, participe à des jurys dont celui du diplôme de la HEAD.
L’avenir des collections
Pour Carole Guinard, «L’important est de montrer les collections de façon permanente, ce qui sera bientôt réalisé, en 2021, lorsque le mudac ouvrira ses portes à «Plateforme10», à proximité de la gare de Lausanne». En attendant, après avoir réalisé plusieurs expositions thématiques, la dernière, «Bijoux en jeux», part, dès ce mois d’octobre, à Séoul après avoir déjà bien bourlingué, à Barcelone, Art Basel et Shanghai.
Catherine De Vincenti