Les lauréats du Prix Gaïa créé en 1993 par le Musée International d’Horlogerie (MIH) à La Chaux-de-Fonds ne reçoivent qu’un globe de verre. Mais ils sont intensément médiatisés par la suite, ce qui les fait connaître du grand public.
Le Prix Gaïa distingue chaque année lors de l’équinoxe d’automne trois personnalités exceptionnelles qui ont contribué à la notoriété de l’horlogerie dans les domaines artisanat-créativité, recherche-histoire et esprit d’entreprise. Le prix 2019 a été décerné à l’émailleuse-miniature Suzanne Rohr, l’historien Laurent Tissot et le chef d’entreprise Karl-Friedrich Scheufele.
Suzanne Rohr
Née en 1939 à Genève, Suzanne Rohr se distingua comme enfant déjà par un talent extraordinaire pour le dessin et la peinture. Elle effectua une formation d’émailleuse et de peintre miniaturiste à l’Ecole des Arts Décoratifs de Genève. A l’âge de 21 ans seulement elle ouvrit son propre atelier à Lausanne et resta indépendante depuis.
Le peintre miniaturiste et émailleur Carlo Poluzzi devint son mentor; elle adopta cette spécialisation au long terme, recevant toujours plus de mandats des marques horlogères de luxe dans l’arc jurassien et à Genève. Elle crée presque exclusivement des cadrans et couvercles de montres de poche décorés de copies-émail miniaturisées de peintures classiques. La manufacture Patek Philippe devint son client principal.
Suzanne Rohr a toujours fait un effort considérable pour transmettre son art et son artisanat à la génération suivante. Parmi ses élèves les plus doués on compte entre autres Anita Porchet (Prix Gaïa 2015) qui obtint en 2017 avec Suzanne Rohr le prix spécial du jury du Grand Prix d’Horlogerie de Genève pour la qualité exceptionnelle de son art.
Laurent Tissot
Né en 1953 à Fribourg, Laurent Tissot fit des études de sciences politiques à l’Université de Lausanne où il obtint son doctorat en 1987. Il enseigna par la suite aux universités de Fribourg, Lausanne, Genève et Neuchâtel. En 2006 il fut nommé professeur ordinaire d’histoire à la Faculté des Lettres de Neuchâtel. Il se spécialisa dans l’histoire culturelle et économique de l’industrie de l’Arc Jurassien de part et d’autre de la frontière franco-suisse.
Laurent Tissot est l’auteur de nombreux ouvrages, monographies et articles traitant du développement du tourisme et du sport en Suisse et dans les pays avoisinants. Son intérêt est centré sur l’histoire d’entreprises de micromécanique et d’horlogerie dans la région jurassienne. Tissot a abordé les aspects économiques, sociaux et culturels des ces industries surtout connues par leurs innovations technologiques. Il s’est intensément préoccupé de la crise causée par la transition de la micromécanique à l’électronique contrôlée par le quartz, ainsi que de la mutation de la mécanique de très haut niveau de l’aspect garde-temps à l’article de luxe et de représentation.
Karl-Friedrich Scheufele
Le commerçant et voyageur en bijoux allemand Karl Scheufele fonda en 1904 à Pforzheim une manufacture d’objets en métaux précieux. Il fit en particulier breveter une pince permettant d’accrocher une montre de poche au poignet – à l’époque où la montre bracelet était encore inconnue. Vingt ans plus tard, il s’orienta sur la montre-bijou équipée de mouvements suisses. La maison Scheufele fut complètement détruite lors d’un bombardement allié en 1945.
Le fils du fondateur, Karl II s’occupa de la reconstruction de l’entreprise qui prit un essor réjouissant sous l’égide le la troisième génération Scheufele. Karl III transféra l’entreprise à Birkenfeld et acquit du dernier héritier Chopard la marque horlogère genevoise de ce nom, alors presque oubliée. Il en fit une des grandes marques dans le domaine des montres de luxe.
Karl-Friedrich Scheufele né en 1958, arrière petit-fils du fondateur, reçut sa formation dans une école privée à Genève, fit un apprentissage d’orfèvre et fit des études de sciences économiques à l’Université de Lausanne. Il établit à Fleurier une manufacture de mouvements mécaniques équipant également les chronomètres de la marque Ferdinand Berthoud acquise en 2006. Karl-Friedrich se partage le management du groupe occupant quelque 2000 collaborateurs avec sa sœur Caroline. Collectionneur passionné de montres et de voitures anciennes, il participe chaque année à la fameuse course d’oldtimers «Mille Miglia» en Italie.
Nouvelles dimensions du Prix Gaïa
Dans le cadre du projet «Horizon Gaïa», le MIH décerne pour la première fois une bourse de 25’000 francs suisses destinée à encourager de jeunes talents. Elle est financée par la fondation Watch Academy. La boursière est Aude Moutoussamy, détentrice d’un master d’histoire contemporaine de la Sorbonne à Paris. Son projet est une étude de six mois des interactions entre les médias sociaux et différentes marques horlogères.
La souscription pour la montre MIH-Gaïa fut ouverte le jour de la remise du prix. Son design extrêmement original s’inspire de l’architecture du MIH et de la boule remise aux lauréats Gaïa. Le bénéfice est destiné à financer la restauration et la documentation d’objets extraordinaires dans la collection du MIH.